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Togo : Une vidéo virale manipule les faits autour d’Aamron et du 6 juin

Allégation : Une vidéo virale montre une manifestation massive au Togo le 6 juin 2025 réclamant la libération du rappeur Aamron et la démission du président du conseil des ministres togolais son excellence M. Faure Gnassingbé.

Verdict : FAUX ! Aucune preuve ne soutient cette mise en scène numérique. La vidéo est un montage trompeur qui ne reflète aucun événement réel du 6 juin 2025.

Contexte

Le Togo traverse une importante transition politique depuis l’adoption de la Cinquième République, officialisée le 3 mai 2025. Cette réforme constitutionnelle majeure instaure un régime parlementaire dans lequel le président du Conseil des ministres, actuellement M. Faure Essozimna Gnassingbé, exerce le pouvoir exécutif. Le rôle de président de la République devient quant à lui essentiellement honorifique. Ce nouveau cadre institutionnel marque une volonté de renforcer la stabilité politique et de rationaliser l’exercice du pouvoir.

C’est dans ce contexte que l’artiste togolais Aamron, de son vrai nom Tchala Essowè Narcisse, a été interpellé le 26 mai 2025 à son domicile d’Agoè-Assiyéyé, à Lomé. Il est accusé d’avoir, à travers ses vidéos et lives publiés sur TikTok, critiqué la gouvernance du pays, insulté le président du Conseil des ministres M. Faure Gnassingbé, et appelé à une manifestation nationale pour le 6 juin 2025. Son arrestation a suscité de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux.

Quelques jours après cette interpellation, une vidéo virale a été massivement partagée sur WhatsApp. Présentée sous le label « PELIKULART AI », elle prétend montrer de grandes manifestations au Togo, avec des foules exigeant la libération de l’artiste. La vidéo inclut des scènes de protestation, des témoignages d’habitants évoquant la cherté de la vie, des images de journalistes étrangers alarmistes, et même une séquence où une voix ressemblant à celle de M. Faure Gnassingbé annonce sa démission. La diffusion rapide de cette vidéo a semé la confusion et soulevé des interrogations.

Face à cette prolifération de contenus trompeurs, AFRICHECK s’est donné pour mission de vérifier les faits, de distinguer le vrai du faux, et d’informer le public de manière rigoureuse, dans un souci de vérité et de responsabilité sociale.

Vérification des faits

Analyse de la vidéo

La vidéo virale, diffusée initialement sur TikTok puis largement relayée sur WhatsApp, porte la mention « PELIKULART AI » en ouverture. Elle se présente comme un montage choc, conçu pour frapper les esprits et susciter l’indignation. En quelques jours, elle a circulé dans de nombreux groupes de discussion au Togo et dans la diaspora, alimentant de fausses rumeurs sur une prétendue insurrection populaire le 6 juin 2025.

Le contenu de la vidéo est fortement scénarisé. On y voit une foule dense agitant des drapeaux togolais et scandant des slogans de soutien à Aamron. Des extraits de voix off, dont certaines visiblement synthétisées par intelligence artificielle, relayent des témoignages de citoyens se plaignant de la vie chère et de la gouvernance. À la fin de la séquence, une voix modifiée, imitant celle du président du Conseil des ministres M. Faure Gnassingbé, déclare faussement qu’il « se rend » et quitte le pouvoir, déclenchant dans la vidéo une explosion de joie de la foule. Cette scène est immédiatement suivie de messages de remerciement à Aamron, présenté à tort comme le libérateur du peuple.

Or, aucune de ces scènes n’a pu être vérifiée sur le terrain. Les correspondants d’AFRICHECK à Lomé n’ont observé, le 6 juin, qu’un petit attroupement au carrefour GTA et une présence dispersée de curieux vers Adakpamé, sans incident notable ni manifestation massive. Aucun média crédible, national ou international, n’a relayé les événements présentés dans la vidéo.

L’analyse technique du fichier suggère un montage audiovisuel généré à l’aide d’intelligence artificielle. L’enchaînement des plans, la qualité inégale des images, et surtout la synchronisation approximative des mouvements labiaux avec la voix supposée de M. Faure Gnassingbé, trahissent une fabrication numérique. En outre, les plans de foule semblent réutilisés à partir d’archives ou de manifestations d’autres pays africains, comme l’indiquent certains repères visuels incohérents (bâtiments non identifiables à Lomé, drapeaux étrangers floutés, etc.).

La mise en scène de cette vidéo vise clairement à susciter une réaction émotionnelle, à manipuler l’opinion publique en suggérant une chute du pouvoir et une « victoire populaire » inexistante. Il s’agit là d’un exemple typique de désinformation virale, qui s’appuie sur des montages trompeurs pour orienter l’interprétation des faits et miner la stabilité nationale.

En définitive, cette vidéo ne repose sur aucun fondement réel ni factuel, mais sur une construction artificielle et orientée. Elle participe d’une stratégie de manipulation par l’image et le récit, que les citoyens doivent apprendre à décrypter avec prudence et esprit critique.

Un témoignage politique crédible contredit la version virale

Pour évaluer la véracité de la vidéo virale évoquant une mobilisation populaire massive le 6 juin 2025 au Togo, AFRICHECK s’appuie également sur des témoignages crédibles issus de personnalités politiques expérimentées. C’est notamment le cas de Gerry Taama Komandega, ancien député togolais, qui a livré sur sa page Facebook une analyse circonstanciée de la journée, fondée sur des observations de terrain.

Contrairement à la mise en scène spectaculaire de la vidéo – où l’on entend des chants de victoire, des slogans de libération et même une prétendue reddition du président du Conseil des ministres, M. Faure Gnassingbé – le constat de Gerry Taama est sans appel : la mobilisation du 6 juin a été faible, presque inexistante. Il décrit une capitale sous contrôle, où seuls de petits attroupements ont été aperçus, notamment à Carrefour GTA et vers Adakpamé, confirmant les constats faits par nos propres correspondants.

Carrefour GTA filmé à 07h40 par notre correspondant le 06 juin 2025
Carrefour GTA filmé à 07h40 par notre correspondant le 06 juin 2025

Plus encore, ce témoin souligne l’absence totale de respect du cadre légal encadrant les manifestations publiques au Togo. La loi exige une déclaration préalable avec itinéraire, identités des organisateurs et horaires définis – des conditions manifestement non respectées. De fait, selon ses mots, « toute participation à la marche était illégale », exposant les contrevenants à des sanctions prévues par la législation en vigueur.

Le témoignage revient également sur d’autres failles majeures : l’appel à manifester a été lancé bien à l’avance, ce qui exclut toute prétention de « manifestation spontanée », comme certains l’ont évoqué après coup. Il note aussi l’absence de leadership structuré, l’absence d’objectifs clairs, et l’illusion créée par les réseaux sociaux, surestimant leur portée réelle dans un pays où la majorité de la population n’a pas un accès régulier à Internet.

L’ensemble de ces constats démolit le récit véhiculé par la vidéo virale. Aucun soulèvement populaire d’ampleur, aucun effondrement du pouvoir, et encore moins de déclaration de reddition n’ont eu lieu. Les images et sons mis en scène relèvent d’une construction narrative habilement manipulée – mais démentie par les faits observables sur le terrain.

Source : page Facebook de Gerry Taama Komandega, ancien député togolais
Source : page Facebook de Gerry Taama Komandega, ancien député togolais

Conclusion

L’analyse factuelle démontre que la vidéo virale autour du 6 juin et d’Aamron est un montage trompeur, dénué de toute preuve vérifiable. Aucun fait réel ne confirme le renversement du pouvoir ni les scènes montrées. Ce type de contenu s’inscrit dans une stratégie de désinformation visant à manipuler l’opinion publique, semer le doute et fragiliser les institutions, en exploitant l’émotion et le contexte politique sensible.

 

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