Les coulisses du fact-checking: qui sont les chasseurs de fake news?

Dans un monde submergé d’informations, une profession s’est imposée comme un rempart contre la désinformation : les fact-checkeurs. Ces journalistes spécialisés traquent inlassablement les fausses informations qui circulent sur le web et les réseaux sociaux. Leur mission : rétablir la vérité factuelle dans un environnement médiatique de plus en plus pollué par les fake news.
À l’heure où la désinformation se propage à la vitesse de la lumière, le fact-checking est devenu un pilier essentiel du journalisme moderne. Cette pratique, qui consiste à vérifier la véracité des informations, s’impose comme un garde-fou indispensable face à la prolifération des fausses nouvelles sur internet. Mais qui sont ces professionnels de la vérification ? Comment travaillent-ils ? Et à quels défis font-ils face au quotidien ?
Le profil des fact-checkeurs : des journalistes aux compétences spécifiques
Les fact-checkeurs sont avant tout des journalistes, mais avec une spécialisation particulière. Leur formation combine généralement un solide bagage en journalisme traditionnel et des compétences techniques pointues en matière de vérification numérique.
« La vérification des faits implique de vérifier le contenu déjà publié, particulièrement sur les réseaux sociaux, et d’établir ce qui est connu — ou non — sur un sujet« , explique l’AFP sur son site dédié au fact-checking. Ces professionnels doivent maîtriser des outils spécifiques de vérification d’images, de vidéos et de sources en ligne.
La plupart des fact-checkeurs travaillent au sein de médias traditionnels comme Le Monde avec sa cellule « Les Décodeurs », créée en 2014, ou l’AFP Factuel, le service de vérification lancé en 2017 par l’Agence France-Presse. D’autres évoluent dans des organisations indépendantes comme Africheck, organisme indépendant de fact-checking en Afrique .
Ces professionnels se distinguent par leur minutie, leur sens critique et leur capacité à naviguer dans le dédale des informations numériques. Ils doivent constamment se former aux nouvelles techniques de désinformation et aux outils permettant de les détecter.
Le processus de vérification : une méthodologie rigoureuse
Le travail de fact-checking suit une méthodologie précise et rigoureuse.Ce processus comprend généralement quatre étapes essentielles :
- Sélection de l’information à vérifier : Les fact-checkeurs identifient les affirmations qui méritent d’être vérifiées, généralement celles qui ont un impact important sur le débat public.
- Établissement précis des propos tenus : Une attention particulière est portée à la formulation exacte de l’affirmation. Les personnes sont souvent mal citées, ce qui peut déformer leurs propos.
- Recherche des preuves : Cette étape implique la consultation de sources primaires fiables, l’interrogation d’experts et la vérification croisée des informations.
- Publication des résultats avec transparence : Les fact-checkeurs doivent rendre compte de leur méthodologie et citer clairement leurs sources.

Le Décodex, outil de vérification lancé par Le Monde en 2017, illustre cette démarche. Il permet aux lecteurs de vérifier la fiabilité des sites d’information et de détecter les rumeurs et intox qui circulent sur internet. « Nos vérifications sont libres de tout parti pris, pédagogiques et fondées sur des preuves« , affirme l’AFP Factuel, qui inclut « photos, vidéos et sources multiples » dans ses enquêtes. AFP Fact Check
Les défis et menaces : un métier sous pression
Malgré leur rôle crucial, les fact-checkeurs font face à des défis croissants. Selon Europe 1, « les fact-checkeurs font face à une vague de harcèlement et de menaces dans leur travail contre la désinformation ». Cette hostilité s’est intensifiée ces dernières années, faisant du fact-checking un métier à risque.
Parmi les principaux défis auxquels ils sont confrontés :
- L’ampleur de la désinformation : Le volume et la vitesse de propagation des fake news dépassent largement les capacités des équipes de fact-checking.
- Les menaces et intimidations : De nombreux fact-checkeurs sont victimes de harcèlement en ligne, voire de menaces physiques, particulièrement lorsqu’ils s’attaquent à des sujets politiquement sensibles ou à des théories du complot populaires.
- La polarisation politique : Leur travail est souvent perçu comme partisan, même lorsqu’il répond à des critères de rigueur journalistique, ce qui fragilise leur crédibilité aux yeux de certains publics.
- L’évolution technologique : L’intelligence artificielle générative et les deepfakes rendent la désinformation de plus en plus sophistiquée et difficile à détecter.
Selon un rapport cité par Euronews en décembre 2024, « les vérificateurs de faits sont de plus en plus menacés », témoignant d’un climat de méfiance grandissant envers ces professionnels de l’information. Europe 1
Des acteurs diversifiés dans la lutte contre la désinformation
Le paysage du fact-checking s’est considérablement enrichi ces dernières années. Plusieurs organisations se sont imposées comme des références dans ce domaine :
- Les Décodeurs (Le Monde) : Cette cellule française propose des articles de vérification, mais aussi des outils comme le Décodex, un moteur de recherche permettant de vérifier la fiabilité des sites d’information.
- AFP Factuel : Le service de fact-checking de l’Agence France-Presse opère dans plusieurs langues et pays, produisant des vérifications rigoureuses diffusées mondialement.
- Africheck : Organisme indépendant de fact-checking en Afrique, il travaille à « trier le vrai du faux » en interrogeant les meilleures sources disponibles et en publiant des rapports de vérification des faits.
- International Fact-Checking Network (IFCN) : Ce réseau international regroupe les fact-checkeurs du monde entier autour d’une charte commune de principes et de bonnes pratiques.

Ces organisations collaborent souvent entre elles et avec des plateformes numériques comme Google ou Meta pour lutter plus efficacement contre la désinformation à grande échelle.
Conclusion : un rempart essentiel pour la démocratie
Face à la montée en puissance des fake news, le fact-checking s’impose comme un outil indispensable pour préserver la qualité du débat public et, par extension, la santé des démocraties. Les chasseurs de fake news jouent un rôle de sentinelles dans l’écosystème informationnel, rappelant à chacun l’importance d’une information vérifiée et contextualisée.
À l’avenir, leur mission devra s’adapter aux nouvelles formes de désinformation tout en maintenant une exigence de rigueur et d’indépendance. L’éducation aux médias et la sensibilisation du public aux méthodes de vérification constituent également des leviers essentiels pour faire face aux défis croissants de la désinformation.
Dans un monde où l’information est devenue une arme, les fact-checkeurs apparaissent comme les gardiens d’une valeur fondamentale : la vérité factuelle, socle sur lequel repose toute discussion démocratique éclairée.