Shincheonji : Quel est ce mouvement religieux et s’implante-t-il véritablement en Afrique ?
Une autre religion serait-elle en train de manipuler et de déraciner les Africains ?

Allégation : Le mouvement religieux controversé Shincheonji serait en train de s’implanter discrètement en Afrique subsaharienne, notamment en Côte d’Ivoire, au Nigeria et en Afrique du Sud. Considéré par certains comme une secte, il chercherait à recruter principalement des jeunes.
Verdict : L’expansion de Shincheonji en Afrique subsaharienne est attestée par des indices concrets, mais son ampleur reste difficile à mesurer en raison de la discrétion du mouvement. Si le recrutement de jeunes, notamment d’étudiants, semble avéré, l’absence de reconnaissance officielle du groupe comme une secte maintient le débat ouvert.
Le 26 mars 2025, l’utilisatrice @PaolaAudrey a publié sur X (anciennement Twitter) une affirmation selon laquelle le mouvement religieux controversé Shincheonji s’installerait discrètement en Afrique subsaharienne, notamment en Côte d’Ivoire, au Nigeria et en Afrique du Sud, après avoir déjà eu un impact dans la diaspora, y compris en France.
Derrière cette assertion, plusieurs questions se posent : Shincheonji est-elle une simple organisation religieuse ou bien une secte aux méthodes d’endoctrinement manipulatrices ? Certains témoignages en ligne, notamment sur Twitter, dénoncent des stratégies de recrutement ciblées, particulièrement auprès des jeunes et des étudiants. Les accusations sont nombreuses, mais qu’en est-il de la réalité de cette présence ?
Dans cette enquête, AFRICHECK se penche sur les messages partagés en ligne, recoupe les informations et cherche à démêler le vrai du faux, tout en analysant l’impact de l’implantation de Shincheonji sur le continent africain.
Vérification des faits
Qu’est-ce que Shincheonji
Shincheonji, fondé par Lee Man-hee en 1984 en Corée du Sud, est un mouvement religieux qui suscite de nombreuses interrogations. Bien qu’il se revendique comme une forme de christianisme, il présente des croyances et pratiques qui le distinguent nettement des religions chrétiennes traditionnelles. Au cœur de la doctrine de Shincheonji, Lee Man-hee se positionne comme le « Messager » de Dieu, choisi pour révéler la vérité cachée des Écritures chrétiennes, en particulier de l’Apocalypse.
La religion repose sur l’interprétation de la Bible à travers le prisme de Lee Man-hee, qui enseigne que l’Apocalypse est en train de se réaliser et que seuls les membres de Shincheonji peuvent être sauvés. Selon ses adeptes, l’organisation est l’ultime « Église du Christ », et l’adhésion à ses enseignements est perçue comme essentielle pour le salut spirituel.
La structure de Shincheonji est hiérarchique et organisée, avec un système d’enseignement où les membres passent par des formations intensives avant de devenir des « évangélistes ». Le mouvement utilise des méthodes de recrutement ciblées, souvent en recourant à des séminaires et à des rencontres privées pour attirer de nouveaux membres. En Afrique, cette stratégie semble avoir pris de l’ampleur, particulièrement en Côte d’Ivoire, au Nigeria et en Afrique du Sud, où des témoignages font état de campagnes de recrutement menées discrètement.
Cependant, Shincheonji est fréquemment qualifié de secte en raison de ses pratiques de contrôle strict sur ses membres et des accusations de manipulation psychologique. En réponse à ces accusations, les leaders de Shincheonji insistent sur la dimension spirituelle et non coercitive de leur mission. Par exemple, l’organisation Nouveau Ciel Nouvelle Terre Shincheonji Église de Jésus France a organisé, le 15 novembre 2024, une manifestation pacifique pour dénoncer la répression religieuse à l’encontre de leur groupe en Corée du Sud. Selon eux, cette répression est injuste et discriminatoire envers leurs croyances.

Les origines et l’histoire du mouvement religieux Shincheonji
L’histoire de Shincheonji commence en 1984 en Corée du Sud, fondée par Lee Man-hee, né en 1936. Celui-ci est considéré par ses adeptes comme le « messager » de Dieu. Il a créé l’Église de Jésus, le Temple du Tabernacle du Témoignage, après avoir vécu des visions personnelles qui ont profondément influencé sa vision religieuse. Lee Man-hee a élaboré une doctrine mêlant le christianisme traditionnel et ses propres interprétations des Écritures.
Le mouvement a rapidement prospéré en Corée du Sud grâce à des prêches itinérants. Sa structure organisationnelle est rigoureuse et hiérarchique, et les prédictions de Lee Man-hee, telles que la fin du monde prévue pour 1992, ont contribué à attirer de nombreux fidèles. Ces événements ont servi de catalyseurs pour l’expansion du mouvement.
À partir des années 2000, Shincheonji a amorcé son expansion internationale, recrutant de nouveaux membres et établissant un réseau mondial. Malgré les nombreuses controverses, le mouvement a réussi à se développer non seulement en Asie, mais aussi en Amérique latine et en Afrique. Son utilisation stratégique des programmes de formation et des réseaux sociaux a joué un rôle clé dans cette croissance rapide.
Principes fondamentaux et croyances de Shincheonji
La doctrine de Shincheonji repose sur la conviction que Lee Man-hee est le « Pasteur promis », un élu ayant reçu une révélation divine lui permettant d’interpréter les Écritures, en particulier l’Apocalypse de Jean. Selon les enseignements du mouvement, l’étude approfondie de ce texte sacré permettrait d’identifier des signes prophétiques annonçant la fin des temps.
L’un des fondements majeurs de cette doctrine est la croyance en la sélection des 144 000 élus mentionnés dans Apocalypse 7:4. Shincheonji enseigne que ce groupe d’élus est composé de ses membres, qui seraient les seuls à obtenir le salut à la fin des temps. Pour cela, les adeptes participent régulièrement à des prières collectives et à des études bibliques hebdomadaires visant à approfondir leur compréhension des enseignements de Lee Man-hee.
L’engagement des fidèles repose sur une adhésion sans réserve aux directives du fondateur. Outre leur implication spirituelle, ils sont encouragés à verser des dons réguliers et à s’investir activement dans le prosélytisme, considérant ces actions comme essentielles pour assurer leur place parmi les élus. Ces pratiques confèrent à Shincheonji un système de croyances distinct, s’écartant des doctrines du christianisme traditionnel.
Structure et organisation du mouvement Shincheonji
Shincheonji repose sur une organisation hiérarchique bien établie, dont le centre névralgique se situe en Corée du Sud. À sa tête, Lee Man-hee supervise l’ensemble des activités du mouvement à l’échelle mondiale, y compris en Afrique. L’organisation est structurée en douze tribus, inspirées des douze tribus d’Israël, et regroupe ses membres selon leur origine ou leur zone géographique.
Le processus de recrutement au sein de Shincheonji se distingue par sa discrétion. Les recruteurs infiltreraient des églises locales afin d’approcher de nouveaux adeptes sans révéler immédiatement leur appartenance au mouvement. L’intégration des nouveaux membres s’effectue progressivement à travers un programme d’enseignement où l’identité de Shincheonji n’est dévoilée qu’à un stade avancé.
Une fois admis, les fidèles suivent un cursus de formation rigoureux, incluant des examens destinés à évaluer leur engagement et leur compréhension des enseignements du mouvement. Ceux qui atteignent un niveau avancé se voient confier des responsabilités au sein de l’organisation. L’adhésion à Shincheonji implique un engagement total : participation assidue aux cultes, contributions financières régulières et respect strict des règles internes.
En Afrique, la structure du mouvement s’adapte aux contextes locaux tout en maintenant un contrôle centralisé. Cette efficacité organisationnelle a favorisé l’expansion du groupe, mais a également suscité des critiques, certains observateurs dénonçant des pratiques pouvant s’apparenter à une forme de manipulation des fidèles.
Controverses et critiques entourant Shincheonji
Shincheonji est au cœur de nombreuses controverses, certains observateurs et associations l’accusant d’adopter des pratiques sectaires. D’anciens membres témoignent de pressions psychologiques, d’un isolement progressif des fidèles vis-à-vis de leur famille et d’une incitation à renoncer à leurs croyances antérieures pour adhérer pleinement à la doctrine du mouvement. Ces allégations ont conduit à plusieurs procédures judiciaires dans différents pays.
Le mouvement a également fait l’objet de critiques lors de la pandémie de COVID-19. En 2020, un rassemblement organisé par Shincheonji dans la ville de Daegu, en Corée du Sud, a été identifié comme un important foyer de contamination. Lee Man-hee a été accusé d’avoir dissimulé des informations sur les rassemblements du mouvement et de ne pas avoir respecté les protocoles sanitaires, ce qui a entraîné des poursuites judiciaires à son encontre.
Dans certains pays, les autorités ont interdit certaines activités de Shincheonji, tandis que d’anciens adeptes rapportent avoir subi des pressions psychologiques et des pertes financières liées à leur engagement dans le mouvement. De leur côté, les églises chrétiennes traditionnelles expriment leurs inquiétudes quant à l’influence croissante de Shincheonji et aux risques qu’il représenterait pour la cohésion sociale.
Face à ces accusations, les dirigeants de Shincheonji réfutent toute dérive sectaire et affirment défendre la liberté de culte. Le débat autour de la véritable nature du mouvement demeure ouvert, tandis que les autorités continuent de surveiller son développement en Corée du Sud et à l’international.
Une enquête de 7NEWS Australia révèle des méthodes de contrôle inquiétantes
En Australie, une enquête approfondie menée par 7NEWS Australia a mis en lumière les pratiques controversées de Shincheonji. Après quatre mois d’investigation, le reportage dévoile des témoignages d’anciens adeptes dénonçant un contrôle total de l’organisation sur ses membres.
À Perth, où le mouvement compterait plus de 300 fidèles, Shincheonji fonctionne dans une discrétion absolue. Un bâtiment sans enseigne, équipé de caméras de surveillance et aux rideaux toujours tirés, sert de quartier général. L’enquête révèle que près de 80 % des adeptes cachent leur appartenance à leur famille, sous l’emprise d’une stratégie psychologique sophistiquée.
Matt Thomas, un ancien membre, témoigne de son recrutement progressif via des cercles de discussion universitaires. Peu à peu, l’implication devient totale, poussant certains à verser des sommes importantes. Selon les experts interrogés, ces méthodes permettent au mouvement de s’implanter discrètement en Australie et ailleurs dans le monde.
L’implantation de Shincheonji en Afrique : expansion et controverses
Shincheonji étend progressivement son influence en Afrique, notamment au Nigeria, au Kenya en Afrique du Sud et en Côte d’Ivoire. Le mouvement utilise des stratégies ciblées : ouverture de centres locaux, activités sur les réseaux sociaux et programmes éducatifs. Son message s’adapte aux contextes locaux à travers des interprétations bibliques spécifiques et des formations destinées aux leaders communautaires.
Cependant, cette expansion rencontre des obstacles. Les églises pentecôtistes dominantes critiquent Shincheonji pour ses différences doctrinales, et la concurrence pour les fidèles reste intense. Bien que sa présence en Afrique demeure modérée, le mouvement affirme poursuivre son développement.
Expériences contrastées des adeptes africains
Les témoignages des membres varient : certains apprécient l’encadrement spirituel, d’autres dénoncent une pression au recrutement et des exigences financières. Tandis que certains y trouvent du réconfort, d’anciens adeptes évoquent un éloignement familial et une forte emprise communautaire. Ces expériences soulignent les tensions entourant l’implantation de Shincheonji en Afrique.
Conclusion
L’implantation de Shincheonji en Afrique s’inscrit dans une dynamique plus large de transformations religieuses sur le continent. Si le mouvement attire de nouveaux adeptes en quête de spiritualité et de réponses aux défis contemporains, il suscite également des interrogations et des critiques quant à ses méthodes de recrutement et son influence sur les fidèles.
Face à cette expansion, les institutions religieuses locales adaptent leurs stratégies, témoignant d’une compétition croissante pour l’adhésion des croyants. Toutefois, au-delà des polémiques, Shincheonji illustre la manière dont la mondialisation façonne les pratiques religieuses, mettant en lumière la complexité des dynamiques spirituelles en Afrique.
L’évaluation de son implantation repose sur des faits vérifiables. Entre adhésion sincère et controverse, il appartient aux observateurs et aux fidèles d’analyser objectivement la place de Shincheonji dans le paysage religieux africain.