Non, le lait ne guérit pas le paludisme : une idée reçue à déconstruire d’urgence

Dans de nombreuses communautés d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud et d’Amérique latine — régions les plus touchées par le paludisme selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) une croyance persiste : boire du lait, consommer de l’ail, du citron ou d’autres aliments naturels pourrait suffire à guérir cette maladie. Transmise de génération en génération ou véhiculée par des réseaux sociaux peu scrupuleux, cette rumeur continue de tromper des milliers de personnes.
Or, cette idée est non seulement scientifiquement infondée, mais elle constitue un danger réel pour la santé publique. En retardant ou en remplaçant les traitements médicaux indispensables, elle contribue à la progression de la maladie et à l’aggravation des cas graves.
Dans cet article, nous faisons le point sur cette désinformation persistante, et rappelons ce que dit la science sur les causes, les traitements et les véritables moyens de prévention du paludisme.
Le paludisme, une menace toujours actuelle
Malgré les progrès de la médecine, le paludisme reste l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde. D’après le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publié en décembre 2023, plus de 608 000 personnes en sont mortes en 2022, principalement en Afrique subsaharienne.
Cette maladie est causée par un parasite, Plasmodium, transmis par la piqûre d’un moustique infecté. Elle se manifeste par une fièvre élevée, des frissons, des douleurs musculaires, des vomissements et, dans les cas graves, peut entraîner le coma ou la mort.
Lait, ail, citron… une médecine parallèle en pleine expansion
Dans les villages comme dans certains quartiers urbains, il n’est pas rare d’entendre que boire du lait chaud ou manger de l’ail cru permettrait de « purifier le sang » ou de « chasser le palu ». Ces idées, bien qu’ancrées dans certaines cultures locales, ne reposent sur aucune preuve scientifique.
“Ces croyances relèvent plus du folklore que de la médecine. Le lait ne tue aucun parasite du paludisme.”, tranche le Dr Catherine Mboya, infectiologue au Centre hospitalier universitaire de Dakar.
Selon elle, si certains aliments peuvent renforcer le système immunitaire, ils ne remplacent jamais un traitement médical à base d’antipaludiques.
Une croyance qui coûte des vies
Le danger de cette rumeur ne se limite pas à une simple erreur d’interprétation. Elle conduit, dans bien des cas, à retarder la prise en charge médicale, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques, surtout chez les enfants.
“Chaque jour de retard augmente le risque de complications irréversibles. On perd du temps précieux à boire du lait ou des décoctions inutiles.”, alerte le Dr Mboya.
Un constat que partage Médecins Sans Frontières, qui estime que la désinformation sur les traitements du paludisme est responsable de milliers de décès évitables chaque année.
Ce que dit la science
À ce jour, aucune étude scientifique n’a démontré l’efficacité d’un aliment quelconque contre le paludisme. Les autorités sanitaires internationales recommandent un traitement spécifique basé sur l’artémisinine.
Les thérapies combinées à base d’artémisinine (ACT) sont actuellement la norme pour soigner les formes non compliquées de paludisme. Ces médicaments, disponibles dans la plupart des centres de santé, doivent être administrés le plus rapidement possible après le diagnostic.
“Un traitement pris dans les 24 heures suivant l’apparition des symptômes peut sauver une vie. Aucun aliment n’offre cette garantie.”, rappelle un document du Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis.
L’alimentation a tout de même un rôle… complémentaire
Bien entendu, une bonne alimentation permet de mieux supporter les traitements et de renforcer l’organisme. Le lait, riche en calcium et en protéines, peut aider à maintenir une bonne condition physique, notamment chez les enfants affaiblis par la maladie.
Mais attention à ne pas confondre complément alimentaire et traitement curatif.
“Une alimentation saine est importante pour accompagner la guérison, mais elle ne guérit pas à elle seule.”, nuance le Dr Mboya.
Ce qu’il faut faire en cas de paludisme
Face aux symptômes (fièvre, frissons, sueurs nocturnes), l’automédication n’est jamais recommandée. Voici les étapes essentielles à suivre :
- Se rendre rapidement dans un centre de santé agréé.
- Faire un test de diagnostic rapide (TDR) ou une goutte épaisse.
- Suivre rigoureusement le traitement prescrit, même après disparition des symptômes.
- S’hydrater et manger équilibré, en complément du traitement.
Prévenir plutôt que guérir
Le meilleur moyen de lutter contre le paludisme reste encore la prévention. Voici quelques gestes simples à adopter :
- Dormir sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide
- Vider les eaux stagnantes autour de son domicile
- Porter des vêtements couvrants la nuit
- Consulter avant de voyager dans une zone endémique

Une responsabilité collective
Il est temps de faire reculer les fausses croyances et de promouvoir une information fondée sur des faits scientifiques. En tant que citoyens, parents, enseignants, leaders religieux ou communautaires, nous avons tous un rôle à jouer.
Informer, c’est protéger. La santé publique commence par la vérité.
Conclusion : choisir la science, c’est choisir la vie
La persistance de la croyance selon laquelle le lait ou d’autres aliments peuvent guérir le paludisme est non seulement une erreur, mais un véritable enjeu de santé publique. Elle met en danger des milliers de personnes en les détournant de traitements efficaces et scientifiquement prouvés.
Le paludisme tue encore chaque jour. Ce fléau ne se combat pas avec des remèdes de fortune ou des recettes traditionnelles non validées. Il se combat avec la bonne information, l’accès rapide aux soins médicaux et une prévention rigoureuse.
Il est temps de faire taire les rumeurs et de propager les faits. La santé n’attend pas.
Et face au paludisme, le seul remède qui vaille, c’est celui prescrit par un professionnel.