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Burkina Faso : le 24 avril 2025, le général Michael Langley a-t-il menacé d’arrêter Ibrahim Traoré pour l’exploitation de l’or ?

Allégation : Le général américain Michael Langley aurait déclaré le 24 avril 2025 qu’il viendrait arrêter le capitaine Ibrahim Traoré, président du Burkina Faso, l’accusant de s’approprier les ressources en or du pays pour consolider son pouvoir.

Verdict : Partiellement Faux ! Le général Michael Langley a publiquement critiqué le capitaine Traoré pour l’usage des ressources en or, mais aucune déclaration officielle ne fait état d’une menace d’arrestation.

Depuis plusieurs mois, les relations entre le Burkina Faso et certains partenaires occidentaux sont marquées par des tensions croissantes, sur fond de souveraineté nationale et d’exploitation des ressources naturelles. Dans ce contexte délicat, les réseaux sociaux deviennent le terrain de nombreuses affirmations spectaculaires.

Une vidéo TikTok récemment devenue virale affirme que le général américain Michael Langley aurait déclaré vouloir « arrêter le capitaine Ibrahim Traoré », président du Burkina Faso, car ce dernier « profiterait de l’or de son pays pour renforcer son pouvoir personnel ».

Face à la portée de cette déclaration attribuée au chef de l’AFRICOM, et à l’écho qu’elle rencontre en ligne, AFRICHECK a mené une vérification rigoureuse pour en établir la véracité

Vérification des faits

Origine et contenu de la vidéo

La vidéo circulant sur TikTok montre une séquence dans laquelle un message vocal affirme que le général américain Michael Langley aurait déclaré son intention d’arrêter le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition au Burkina Faso, en raison de l’exploitation de l’or national pour consolider son pouvoir. Aucune apparition de Michael Langley n’est visible dans la vidéo : il s’agit uniquement d’un montage d’images, notamment des photos du général et du capitaine burkinabè, accompagnées d’une bande sonore en voix off.

La vidéo a été publiée par un compte TikTok nommé @tiktok.france494, qui n’est pas un compte officiel d’information ni affilié à une source institutionnelle reconnue. Le profil semble anonyme et partage majoritairement des contenus viraux sans vérification préalable.

La publication date du 24 avril 2025 et a connu une forte viralité : au moment de notre vérification, elle comptabilisait 98 200 likes, 4 454 commentaires et 11 700 partages. Sa diffusion rapide s’explique par la sensibilité du sujet dans un contexte régional marqué par les tensions autour des ressources naturelles et des interventions étrangères en Afrique de l’Ouest.

Recherche des déclarations officielles

Pour vérifier la véracité de la vidéo virale affirmant que le général américain Michael Langley aurait menacé d’arrêter le capitaine Ibrahim Traoré, AFRICHECK a entrepris une analyse minutieuse des sources officielles disponibles durant le mois d’avril 2025. L’objectif était de déterminer si une telle déclaration a été réellement formulée par le commandant d’AFRICOM ou relayée par une instance crédible.

Une audition au Sénat comme point de départ

Le seul moment documenté où le général Michael Langley a publiquement évoqué le président burkinabè remonte à une audition devant la commission des forces armées du Sénat américain, le 3 avril 2025. Interrogé sur la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest, Langley a critiqué la gestion des ressources naturelles par les régimes militaires, citant explicitement le Burkina Faso. Voici ses propos exacts, tirés de la transcription officielle du Congrès :

« Captain Traoré in Burkina Faso… whether it’s their gold reserves, all those proceeds are just in exchange to protect the Junta regime. »
(Source : U.S. Senate Armed Services Committee – Hearing transcript, 3 avril 2025)

Autrement dit, Langley accuse Ibrahim Traoré d’utiliser les revenus tirés de l’or du pays pour consolider le pouvoir de la junte. Il s’agit bien d’une critique directe, mais elle ne contient aucune menace d’arrestation, ni appel à une intervention militaire ou judiciaire.

Les médias relayent… mais n’amplifient pas

Plusieurs médias ont relayé ces déclarations sans en déformer le sens :

  • AP News (et sa reprise par le Washington Post, 30 avril 2025) rapporte que Langley a accusé Traoré de détourner les revenus de l’or pour renforcer son pouvoir militaire.
  • Business Insider Africa (21 avril 2025) indique que, selon Langley, l’or du pays est utilisé à des fins personnelles au détriment du peuple burkinabè.
  • People’s Dispatch (30 avril 2025) parle d’un détournement « pour sa propre sécurité », une formulation partagée par Africanews (28 avril 2025), qui note aussi la réaction officielle du gouvernement burkinabè, appelant à des manifestations contre les « accusations infondées » de Langley.

Ces articles confirment tous une chose : les propos du général Langley ont été critiques, mais jamais menaçants dans le sens juridique ou militaire du terme.

Une rumeur d’arrestation sans fondement

La rumeur d’une prétendue volonté de Langley d’« arrêter Ibrahim Traoré » semble provenir d’une interprétation abusive des propos tenus lors de l’audition. Un exemple frappant est fourni par le site DEC-RDC (28 avril 2025), qui évoque une promesse supposée de « venir l’arrêter », tout en reconnaissant que l’accusation est « sans preuve ». Or, ni la transcription du Sénat, ni les communiqués d’AFRICOM ne confirment une telle menace.

Manifestations anti-occidentales dans le pays
Manifestations anti-occidentales dans le pays

Ce qu’en disent les grands médias internationaux

Afin de déterminer si le général Michael Langley a effectivement menacé d’arrêter le capitaine Ibrahim Traoré pour sa gestion de l’or burkinabè, AFRICHECK a passé en revue les principales agences de presse internationales — notamment Associated Press (AP), l’Agence France-Presse (AFP), BBC, Reuters et Africanews — en se concentrant exclusivement sur les contenus publiés entre le 1er et le 30 avril 2025.

Plusieurs articles évoquent bien une déclaration critique du général américain à l’égard des autorités de Ouagadougou, mais le contenu précis de ces propos mérite d’être clarifié.

Dans une dépêche de l’agence AP, datée d’avril 2025, Michael Langley est cité comme accusant le capitaine Traoré d’utiliser les réserves d’or du Burkina Faso pour consolider son pouvoir, au détriment du peuple. On retrouve des formulations similaires dans un article de l’AFP, qui rapporte des propos attribués au général, repris par des responsables burkinabè, évoquant un détournement de l’or national pour sécuriser la junte militaire. Enfin, Africanews, dans une publication du 28 avril 2025, signale que ces accusations ont déclenché des manifestations anti-occidentales dans le pays, organisées par le régime en place.

Cependant, aucun de ces médias ne mentionne une menace d’arrestation directe ou indirecte. Le cœur du reproche formulé par le général américain — s’il est bien authentique — porte uniquement sur la gouvernance des ressources naturelles, et non sur une quelconque volonté d’intervention ou de poursuites judiciaires.

Cette lecture croisée des sources montre que la vidéo TikTok amplifie ou déforme le contenu réel des déclarations relayées par les grands médias. Elle introduit un élément — l’arrestation — qui ne figure ni dans les citations officielles, ni dans les synthèses journalistiques crédibles.

Manifestations anti-occidentales dans le pays
Manifestations anti-occidentales dans le pays

Consultation d’experts ou de sources spécialisées

Pour mieux évaluer la crédibilité de la vidéo affirmant que le général Michael Langley aurait menacé d’arrêter le président burkinabè Ibrahim Traoré en avril 2025 à cause de l’exploitation de l’or, nous avons consulté plusieurs analyses publiées récemment par des spécialistes des relations internationales, de la géopolitique sahélienne et du commandement militaire américain AFRICOM.

L’examen des publications d’experts en sécurité régionale, notamment celles relayées par des instituts comme l’Institute for Security Studies (ISS Africa) et le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA), montre que les tensions entre les États-Unis et le Burkina Faso se sont accentuées en 2025, notamment en raison du rapprochement de Ouagadougou avec la Russie et de son retrait de la CEDEAO. Toutefois, aucune de ces sources ne rapporte une déclaration explicite du général Langley évoquant l’arrestation d’Ibrahim Traoré, encore moins en lien direct avec les réserves d’or du pays.

Des experts tels que Paul-Simon Handy, analyste à l’ISS, et Delina Goxho, spécialiste des questions de sécurité en Afrique de l’Ouest, ont souligné dans leurs dernières interventions que les critiques américaines à l’égard du régime burkinabè portent principalement sur des enjeux démocratiques et sécuritaires, et non sur des accusations de pillage de ressources. Dans une interview accordée à Deutsche Welle Afrique, l’analyste ougandais Paul Nantulya du CESA a même rappelé que les États-Unis restent prudents dans leurs déclarations vis-à-vis des régimes de transition sahéliens, évitant toute position qui pourrait être perçue comme une menace directe.

Par ailleurs, aucun article de recherche, ni tribune spécialisée publiée en avril 2025 dans des revues reconnues comme Foreign Affairs, Le Rubicon, African Arguments ou Brookings Africa, ne mentionne une prise de parole de Langley correspondant aux propos diffusés dans la vidéo TikTok. Les quelques analyses sur la gouvernance minière au Burkina Faso insistent davantage sur la volonté du régime de nationaliser les ressources pour financer son agenda souverainiste que sur un éventuel détournement personnel.

Enfin, dans les rapports de situation de l’AFRICOM consultés via des relais comme le site officiel du commandement ou les newsletters de sécurité régionales, aucune allusion n’a été faite à un projet d’interpellation du président burkinabè. L’absence de mention dans ces canaux spécialisés, souvent promptes à rapporter les positions officielles, est un élément important dans notre évaluation.

En résumé, les experts et sources spécialisées consultés n’apportent aucun élément venant confirmer l’existence d’une déclaration, même indirecte, du général Langley allant dans le sens de ce qu’affirme la vidéo virale. Bien au contraire, leur silence sur cette prétendue menace renforce les doutes sur son authenticité.

Conclusion

Dans un contexte régional sensible, où les tensions diplomatiques se mêlent aux enjeux de souveraineté et d’exploitation des ressources naturelles, certaines informations peuvent être amplifiées ou manipulées pour susciter des réactions fortes.
La vidéo affirmant que le général américain Michael Langley aurait menacé d’arrêter le président burkinabè Ibrahim Traoré illustre ce phénomène : elle repose sur des propos réels, mais sortis de leur contexte et exagérés. Aucune preuve, déclaration officielle ni source crédible ne confirme une intention d’arrestation.

Ce cas rappelle l’importance de croiser les sources, de contextualiser les déclarations et de rester vigilant face aux contenus viraux, surtout lorsqu’ils concernent des questions aussi sensibles que la souveraineté d’un État ou la stabilité régionale.

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