Burkina Faso : Faux, l’avion d’Ibrahim Traoré n’a pas été attaqué par l’OTAN

Allégation : Une vidéo virale publiée sur TikTok affirme que l’avion transportant le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, a été attaqué par l’OTAN lors de son retour de Russie, après avoir participé aux cérémonies de commémoration de la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie.
Contexte
La visite officielle du président burkinabè Ibrahim Traoré en Russie a eu lieu début mai 2025, dans le cadre des commémorations du 80e anniversaire de la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie. Le 9 mai 2025, le capitaine Traoré a ainsi assisté à Moscou aux cérémonies de la « Journée de la Victoire » aux côtés de plusieurs autres dirigeants étrangers. C’est dans ce contexte qu’une vidéo au ton alarmiste a émergé sur TikTok, affirmant que l’avion du président burkinabè aurait été attaqué par l’OTAN (L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord). Le montage, diffusé exclusivement sur TikTok à ce stade, affiche en lettres capitales le titre sensationnaliste « L’AVION D’IBRAHIM TRAORÉ ATTAQUÉ PAR L’OTAN ! » accompagné d’une voix off générée par intelligence artificielle. On y voit également les drapeaux du Burkina Faso et de la Russie, le logo de l’Alliance des États du Sahel (AES) et une photo du capitaine Traoré. La publication a suscité de nombreuses réactions dans les commentaires, où l’on peut lire par exemple « Vive IB » ou « Dieu seul sait pourquoi Poutine veille sur le capitaine », témoignages du soutien et de la crédulité de certains internautes face à cette affirmation non vérifiée.
Vérification des faits Sources officielles
Aucune autorité compétente n’a confirmé cette rumeur. Ni le gouvernement burkinabè, ni les autorités russes, ni l’OTAN n’ont signalé le moindre incident aérien concernant l’avion présidentiel d’Ibrahim Traoré à cette période. Au contraire, la Présidence du Faso a annoncé que le capitaine Traoré a regagné Ouagadougou le 11 mai 2025 « après sa visite officielle de 72 heures à Moscou », avec un accueil protocolaire à son arrivée. Quelques jours plus tard, le 14 mai, Ibrahim Traoré présidait normalement le Conseil des ministres hebdomadaire, sans qu’aucun communiqué ne fasse état d’un problème en vol. Du côté de l’OTAN, aucun compte-rendu ni déclaration n’évoque d’interception ou d’accrochage impliquant un avion burkinabè – un silence qui indique qu’aucun événement de la sorte n’a été rapporté officiellement.

Couverture médiatique
Aucun média d’information sérieux n’a relayé cette histoire d’attaque en vol, qui aurait pourtant fait les gros titres si elle était avérée. Ni l’AFP, ni Reuters, ni RFI ou BBC n’ont signalé d’incident visant l’appareil présidentiel lors du retour de Moscou. Les journaux et agences de presse ayant couvert la visite d’Ibrahim Traoré en Russie n’évoquent rien de tel. Ils se concentrent sur ses rencontres et déclarations officielles (coopération militaire accrue avec Moscou, etc.) sans mentionner de péripétie aérienne. Par exemple, RFI rapporte le tête-à-tête entre le capitaine Traoré et Vladimir Poutine et les thèmes abordés – soutien militaire, développement industriel – sans mentionner une quelconque attaque durant le vol retour. De même, aucune dépêche ni source crédible n’atteste cette rumeur, qui semble confinée aux publications sur TikTok, YouTube ou Facebook. L’absence totale de reprise par des médias fiables suggère fortement que l’information est infondée.
Analyse technique ou experte
Sur le plan technique et stratégique, le scénario d’une attaque de l’OTAN contre l’avion présidentiel burkinabè apparaît très improbable. Le déplacement d’Ibrahim Traoré s’est effectué à bord d’un avion long-courrier russe (un Iliouchine Il-96) spécialement affrété, escorté par des chasseurs de l’armée russe pour parer à toute menace. (source 1) S’il y avait eu la moindre interception hostile en vol, les dispositifs d’escorte l’auraient signalée et les instances militaires en auraient fait état. Un affrontement aérien de ce type aurait laissé des traces (alerte des radars civils/militaires, déviation de trajectoire, communications d’urgence), or aucune preuve ne corrobore un tel incident.
D’un point de vue géopolitique, imaginer l’OTAN abattre un avion présidentiel en mission diplomatique relève de la spéculation extrême. Une attaque délibérée contre l’appareil d’un chef d’État allié à la Russie serait un casus belli aux conséquences incalculables, ce qui dissuade tout acteur étatique d’en arriver là. Les commentateurs rappellent l’attentat aérien qui coûta la vie en 1986 au président mozambicain Samora Machel – dont l’appareil s’était écrasé dans des circonstances troubles en Afrique australe pendant la Guerre froide pour souligner l’importance de mesures de sécurité renforcées. De fait, Moscou avait déployé quatre chasseurs Sukhoï de 5e génération à l’aller, et sept au vol retour, pour escorter l’“avion de l’Apocalypse” transportant Traoré. Cette démonstration de force visait à prévenir toute tentative d’agression, et non à répondre à une attaque avérée – aucune confrontation réelle n’ayant été rapportée durant le trajet.
Enfin, il convient de replacer cette rumeur dans le contexte plus large de la désinformation autour du capitaine Traoré. Depuis son arrivée au pouvoir, de nombreux récits montés en épingle circulent sur les réseaux pour magnifier son aura ou dénoncer ses adversaires. La BBC note par exemple qu’une vidéo virale (vue 4,5 millions de fois) a mis en scène un faux incident dans un avion où M. Traoré se serait fait déclasser au profit d’un homme d’affaires français – une histoire fictive que d’aucuns ont présentée à tort comme un fait réel. La prétendue attaque de l’OTAN contre l’avion présidentiel semble relever du même registre: un récit sensationnaliste sans aucun appui factuel, propagé sur Internet mais démenti par l’examen des faits et des sources.
Confirmation locale : aucun écho de l’incident au Burkina
Pour aller plus loin dans la vérification, AFRICHECK a contacté un résident basé à Ouagadougou afin de savoir si la rumeur avait circulé localement et si une quelconque autorité avait confirmé l’information. Sa réponse est sans équivoque : « Non, je n’ai rien entendu concernant ça. C’est sûrement une fake news. » Ce témoignage renforce l’absence de toute trace de cette allégation dans les sources officielles ou les canaux d’information burkinabè, et souligne encore davantage le caractère infondé de la vidéo virale.
Verdict : FAKE NEWS ! : Aucun élément ne prouve que l’avion d’Ibrahim Traoré a été attaqué par l’OTAN. Ni source officielle, ni média crédible ne rapporte un tel incident. La vidéo virale repose sur un montage sans preuve vérifiable.
Conclusion : Une fausse alerte construite pour frapper les esprits
En l’absence de toute déclaration officielle, de couverture médiatique ou de preuve technique venant appuyer l’hypothèse d’une attaque, l’analyse du contenu même de la vidéo virale confirme qu’il s’agit d’une fabrication. Le montage s’appuie sur des éléments visuels chargés : drapeaux du Burkina Faso et de la Russie, logo de l’AES, image du capitaine Traoré, sur fond de voix off générée par intelligence artificielle, mais sans aucune séquence vérifiable ou documentation réelle. Aucun bruit d’interception, aucun visuel d’incident aérien, ni même d’élément géolocalisé ne vient étayer la scène évoquée. La vidéo ne fournit ni source, ni indice matériel : elle fonctionne uniquement sur un message émotionnel fort, destiné à marquer les esprits. Ce type de contenu suit les codes bien connus de la désinformation en ligne : diffusion post-visite officielle pour profiter du contexte politique, exaltation d’un leader présenté comme cible d’un ennemi extérieur, et viralité alimentée par des commentaires enthousiastes. Tout indique qu’il s’agit d’un récit monté de toutes pièces, dans un objectif de propagande plus que d’information.