Vidéo en août 2023 : Famille d’Ali Bongo, arrestation pour valises d’argent
EN BREF – L’extrait a été filmé en septembre 2022 lorsque Guy Nzouba Ndama, ex-ministre et ex-président de l’Assemblée nationale gabonaise passé dans l’opposition, a été arrêté près de la frontière entre le Gabon et le Congo, en possession de valises remplies de liasses de billet de banque. Contrairement à ce que laisse croire la publication, la vidéo n’a pas été faite le 30 août 2023 dans la foulée du coup d’État contre le régime du président gabonais Ali Bongo Ondimba.
Un individu identifié sur Facebook comme Akhenaton Aton a partagé le 30 août 2023 une vidéo montrant des hommes en train d’ouvrir des valises à l’arrière d’un véhicule et d’y découvrir de nombreuses liasses de billets de banque. Selon le message accompagnant le court film, il s’agit de « la mafia des Bongo au Gabon qui tombe avec des valises de milliards », une référence à des proches de l’ancien président gabonais Ali Bongo Ondimba.
Contexte
Ali Bongo Ondimba, qui dirigeant le Gabon depuis 2009, a été renversé par un coup d’État militaire dans la nuit du 29 au 30 août 2023 à Libreville. Ce putsch a été commis peu de temps après la proclamation, de nuit, des résultats d’une élection présidentielle gabonaise organisée le 26 août 2023 en même que des législatives et des locales. Ces résultats donnaient Ali Bongo Ondimba réélu avec plus de 64 % des voix.
Les putschistes, rassemblés au sein d’un Comité de transition et de restauration des institutions (CTRI), ont dénoncé une mascarade électorale, puis annoncé l’annulation des scrutins et la fin du régime d’Ali Bongo Ondimba, l’accusant par ailleurs de « détournements massifs » de fonds publics. Leur meneur, le général Brice Oligui Nguema (Brice Clotaire Oligui Nguema) a été investi le 4 septembre 2023 comme président de transition.
Ali Bongo Ondimba avait succédé à son père Omar Bongo Ondimba, décédé en 2009 après plus de 41 ans à la tête du Gabon (décembre 1967-juin 2009). Cela représente 55 ans de pouvoir pour la même famille, à laquelle sont liées de nombreuses personnalités dans le paysage politique et institutionnel gabonais. Certains y font référence comme « le clan Bongo » ou, à l’instar de l’internaute dont nous vérifions la publication, comme la « mafia Bongo », mise en cause pour corruption et détournements de fonds publics impunis.
Les putschistes ont placé Ali Bongo Ondimba et son épouse Sylvia Bongo Ondimba en résidence surveillée, et arrêté l’un de ses fils, Noureddin Bongo Valentin, et plusieurs proches des Bongo Ondimba. Lors de perquisitions filmées dans des résidences officielles, des valises et sacs remplis d’argent en liquide ont été découverts.
Le 6 septembre 2023, le général Brice Oligui Nguema a affirmé qu’Ali Bongo était « libre de ses mouvements ». Sylvia Bongo Ondimba, elle, demeurait en résidence surveillée. Le 20 septembre 2023, la justice gabonaise a annoncé la mise en examen de Noureddin Bongo Valentin et d’autres responsables de l’ancien régime pour « haute trahison contre les institutions de l’État, détournements massifs des deniers publics, malversations financières internationales en bande organisée » et « corruption active », entre autres chefs d’inculpation.
Le 29 septembre 2023, le procureur de la République de Libreville, André Patrick Roponat, a révélé que la veille, Sylvia Bongo Ondimba avait été entendue par un juge d’instruction. Elle a été « inculpée de blanchiment de capitaux, recel, faux et usage de faux » et assignée à résidence.
La décision d’Ali Bongo Ondimba de briguer un nouveau mandat à la tête du Gabon avait suscité diverses réactions dans son pays. Certains doutaient de ses capacités physiques et mentales en raison des séquelles d’un accident vasculaire cérébral (AVC) dont il a été victime en octobre 2018.
Ce que dit la page Facebook Akhenaton Aton dans sa publication 30 août 2023
Dans sa publication, Akhenaton Aton évoque le régime de Macky Sall, qui dirige le Sénégal depuis 2012. « 🔴 Bientôt ce sera autour du régime de Macky SALL de rendre les 25 000 milliards volés au peuple sénégalais. Ici c’est la mafia des Bongo au Gabon qui tombe avec des valises de milliards arrêtés. #Afrique #team221 #Sénégal #kebetu #gabon », a-t-il écrit dans le texte dont il a assorti la vidéo (que nous avons reproduit comme tel).
La vidéo qu’il a partagée dure deux minutes et dix secondes. On y voit un groupe d’individus dont certains en uniforme, d’autres en civil, incluant une femme. Les visages apparaissent peu ou furtivement. Ils sont à l’extérieur, debout, cernant l’arrière d’un véhicule utilitaire à plateau découvert (pick-up), où sont visibles des valises. Certains filment la scène avec leur téléphone.
On entend dans la vidéo une voix d’homme ordonner : « Cassez-moi ça ! Cassez ! Cassez, on va fouiller ! », pendant qu’un des hommes en civil, en chemise imprimé à dominante mauve, tente d’empêcher certains des individus d’ouvrir une valise de couleur marron, cadenassée. « C’est devant tout le monde, c’est devant tout le monde. Casse ! », lance la même voix. Avant la fin de la vidéo, trois des quatre valises visibles dans l’extrait sont ouvertes et apparaissent remplies d’argent en liquide : on reconnaît des liasses de billets de banque de 10.000 francs CFA d’Afrique centrale (XAF).
Du texte est inséré dans la vidéo partagée. « La démocratie en Afrique plus précisément au Gabon », peut-on lire en haut, de l’écran, tandis que le coin inférieur droit arbore le logo du réseau social TikTok avec un nom d’utilisateur, « @tayctv ».
Au 29 septembre 2023, cette publication avait été vue quelque 8 800 fois.
À propos du profil Akhenaton Aton
La page d’Akhenaton Aton est présentée comme le profil d’un homme, qui s’est enregistré dans la catégorie « personnalité publique ». « Ce forum sert à partager des valeurs et des idéaux démocratiques en vue d’élever la dignité humaine », est-il indiqué dans la description (« Intro »), à l’accueil.
Selon les indications sur sa transparence, elle a été créée le 28 octobre 2015. Le « propriétaire du profil » a indiqué la France comme « pays de résidence principal ». Aucune coordonnée n’y figure.
Au 29 septembre 2023, Akhenaton Aton était suivi par quelque 41 000 individus, pages ou comptes (« followers ») mais n’en suivait aucun en retour.
Vidéo antérieure au coup d’État militaire du 30 août 2023 au Gabon
Sur TikTok, nous avons retrouvé le compte associé au nom d’utilisateur @tayctv ainsi que la vidéo publiée sur Facebook par Akhenaton Aton. La version de @tayctv (deux minutes et six secondes) a été postée le 29 août 2023 sur TikTok avec comme légende (texte reproduit tel qu’écrit, NDLR) : « #gabon🇬🇦 #actualité le président de l’ensemblée national du Gabon entrain de fuir avec les valises d’argent ». Au 29 septembre 2023, cet extrait avait été appréciée près de 5 500 fois et suscité près de 400 commentaires.
Une autre version de la vidéo, sans le logo TikTok, a également été largement relayée après le putsch de fin août au Gabon via l’application de messagerie WhatsApp au Sénégal ainsi qu’en Afrique de l’Ouest avec le message suivant (textuellement reproduit, NDLR) : « En fuite, l’ancien président de sénat du Gabon est arrêté avec une somme équivalent au budget annuel du pays ».
Arrestation marquée par une fouille de valises filmée le 17 septembre 2022 dans l’est du Gabon
Cependant, la recherche avec les outils de vérification comme InVID a permis de relier la vidéo à l’arrestation, le 17 septembre 2022, de Guy Nzouba Ndama, ancien haut cadre du pouvoir des Bongo Ondimba ensuite passé dans l’opposition gabonaise.
Nzouba Ndama a été plusieurs fois ministre durant la présidence d’Omar Bongo Ondimba, et son conseiller, mais également député à l’Assemblée nationale gabonaise, qu’il a dirigée pendant près de vingt ans, jusqu’en 2016. En 2017, il a créé sa formation politique, Les Démocrates, opposée à Ali Bongo Ondimba et au Parti démocratique gabonais (PDG) dont il fut vice-président.
L’ex-président de l’Assemblée nationale gabonaise a été arrêté le 17 septembre 2023 dans la région du Haut-Ogooué (est du Gabon), près de la frontière avec le Congo (Congo-Brazzaville), avec des valises découvertes remplies d’argent en liquide. La scène ayant été filmée, l’affaire avait fait grand bruit : elle a été rapportée par plusieurs médias locaux et internationaux, la vidéo a circulé sur les réseaux sociaux.
Dans un communiqué diffusé le 18 septembre 2023, son parti, Les Démocrates, a regretté « les incidents subis par son président (…) à la brigade centre de Leconi » (ou Lékoni, est, NDLR). Il a dénoncé une « mise en scène humiliante ».
Parmi les médias ayant relaté cette arrestation, figurent la chaîne francophone publique TV5Monde ainsi que le quotidien français Le Monde, tous deux citant l’Agence France-Presse (AFP) ou s’appuyant sur ses dépêches.
Selon des détails du correspondant de TV5Monde au Gabon diffusés le 19 septembre 2023, Guy Nzouba Ndama, en provenance du Congo dans l’après-midi du 17 septembre 2023, a refusé de se soumettre à un contrôle douanier au point d’entrée de Kabala, en territoire gabonais. Il a poursuivi son chemin et a été arrêté à un poste de contrôle par des gendarmes alertés par les douaniers. C’est ainsi que ses valises ont été « ouvertes de force ».
La fouille des valises de l’ex-ministre a permis de découvrir des liasses de billets de banque totalisant 1,19 milliard de francs CFA (plus de 1,8 million d’euros et plus de 1,8 millions de dollars américains au taux de change du 17 septembre 2022, NDLR), ont indiqué des sources judiciaires dans un article précédent mis en ligne par TV5 le 18 septembre 2023.
Les mêmes explications se retrouvent dans un article mis en ligne le 19 septembre 2023 par Le Monde. L’on y apprend, selon des magistrats, qu’en vertu des règles de l’organisation économique et monétaire d’Afrique centrale, il n’est pas illégal de traverser la frontière entre les deux pays avec une certaine somme d’argent. Toutefois, peut-on y lire, au-delà d’un million de français CFA, « elle doit être déclarée aux douanes et son possesseur doit en justifier la provenance et la destination dans le cadre des règles sur la lutte contre le blanchiment des capitaux ou le financement du terrorisme ».
Pour ne pas avoir déclaré ses fonds, et n’avoir pas pu en justifier la provenance, selon la justice gabonaise, le Trésor public a confisqué les liasses d’argent de l’ex-président de l’Assemblée nationale. Placé en garde à vue à Franceville, chef-lieu du Haut-Ogooué, il avait ensuite été transféré à Libreville.
Guy Nzouba Ndama, qui avait entre-temps été mis en liberté provisoire, a été jugé et condamné en décembre 2022 à trois mois de prison avec sursis et à une amende de 200 millions de FCFA (soit près de 305 euros / près de 323 000 dollars américains) pour détention illégale de marchandises prohibées, a rapporté la radio publique française Radio France Internationale (RFI) dans un article publié le 24 décembre 2023 sur son site.
Il était assigné à résidence, une situation à laquelle a mis fin le chef des putschistes, a indiqué RFI le 18 septembre 2023 après un entretien avec Nzouba Ndama. Selon la même source, l’ex-ministre a assuré que l’argent qu’il transportait était issu de la vente d’un bien en territoire congolais.
En octobre 2022 devant la justice à Franceville, d’après un article du même média publié le 18 octobre 2022, il avait parlé de la vente d’une parcelle de terre à Pointe-Noire, au Congo. Une transaction finalisée à Boundji, dans le nord du Congo, et qui lui a rapporté 1,3 milliard de francs CFA (près de 1,2 million d’euros / près de 2,1 millions de dollars).
Source Africa Check