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Crise entre le Mali et l’Algérie : vers la fin de l’AES ?

Allégation : La junte malienne vient de prendre une décision décisive à l’encontre de l’Algérie. Le Burkina Faso semble s’éloigner de l’alliance, tandis que le Niger refuse toujours de se positionner contre l’Algérie.
Ces tensions laissent présager une crise entre le Mali et l’Algérie, vers la fin de l’AES.

Verdict : Faux. La crise entre le Mali et l’Algérie n’entraîne pas vers la fin de l’AES. Les éléments de vérification sont infondés.

 

Depuis le 7 avril 2025, un compte Twitter portant le nom de Rhissa Ag, comptant plus de 6532 abonnés, a publié un tweet affirmant : « La junte malienne vient de prendre une décision décisive contre l’Algérie. Le Burkina est perdu, quant au Niger, il refuse de se positionner contre l’Algérie. Ce qui annonce la fin de l’AES. » Face à cette situation tendue, le tweet est rapidement devenu viral, engendrant 5633 vues, 4 retweets, 17 commentaires et 53 « j’aime ».

Face à cette rumeur inquiétante, notre site de recherche et de vérification des faits, AFRICHECK, a entrepris une analyse approfondie pour déterminer si cette situation peut être réelle ou s’il s’agit d’une fausse information.

VERIFICATION DESFAITS

Relations politiques entre les deux pays

D’après une recherche sur l’histoire des relations entre le Mali et l’Algérie, il ressort que les deux pays ont entretenu des liens politiques étroits depuis leur indépendance respective, marqués par des alliances stratégiques, notamment dans le cadre de la lutte contre le colonialisme et du soutien mutuel dans les conflits régionaux. Dès les années 1960, le Mali et l’Algérie ont partagé une vision commune sur plusieurs questions africaines, soutenant des mouvements de libération et défendant l’intégrité territoriale des pays du Sahel.

Pendant la guerre du Sahara occidental, l’Algérie a soutenu le Front Polisario, tandis que le Mali a maintenu des relations équilibrées avec les deux camps, tout en cherchant à promouvoir la paix et la stabilité dans la région. Les relations ont également été marquées par des accords de coopération sur des sujets tels que la sécurité, la lutte contre le terrorisme et le contrôle des frontières, notamment après les années 2000, avec la montée des menaces djihadistes dans le Sahel. Crise entre le Mali et l’Algérie : vers la fin de l’AES ? Des sources comme l’ouvrage Les Relations internationales de l’Algérie de Abdelhamid Bouziane et des rapports des Nations Unies sur les conflits sahéliens fournissent des informations détaillées sur l’évolution de ces relations, ainsi que des analyses de chercheurs en sciences politiques comme Mahamadou Deme.

Analyse de la position de l’Algérie et du Mali

Après une recherche approfondie, il a été constaté qu’un incident majeur a eu lieu à la frontière entre le Mali et l’Algérie, impliquant un drone malien de fabrication turque nommé Akinci. Suite à cet événement, un communiqué officiel a été rapidement diffusé, indiquant clairement que l’Algérie aurait apporté son soutien aux groupes terroristes en les hébergeant. Selon ce communiqué, l’attaque du drone malien aurait été une riposte à cette aide présumée, mettant ainsi en lumière les tensions croissantes entre les deux nations sur fond de soutien aux groupes armés. Cette situation a engendré une crise entre le Mali et l’Algérie.

Lire : ici ; ORTM

Dans une déclaration séparée, les autorités algériennes ont confirmé avoir abattu un drone de reconnaissance armé ayant pénétré leur espace aérien, dans la région de Tinzaouaten, au sud du pays. Le ministère de la Défense a précisé que les données radar montraient une incursion de 1,6 km du côté algérien. En réponse à cette violation, l’Algérie a décidé de fermer son espace aérien le 7 avril, suspendant tous les vols à destination et en provenance du Mali. Cette mesure a été justifiée par des violations répétées de son territoire, soulignant les tensions militaires et diplomatiques entre les deux pays voisins.

Face à cette situation, le Mali a rappelé son ambassadeur en Algérie et fermé ses frontières avec ce pays. L’Algérie, de son côté, n’a pas hésité à fermer également ses frontières avec le Mali. Ainsi, une tension croissante s’est installée, mais aucune décision formelle, telle qu’une déclaration de guerre, n’a été prise ni par le Mali, ni par l’Algérie.

Position de la CEDEAO

D’après nos recherches auprès de la CEDEAO, cette dernière a pris acte des événements qui se déroulent actuellement entre le Mali et l’Algérie sans pour autant porter de verdict sur la véritable raison de cette tension. Dans son rôle régalien de gestion des conflits, la CEDEAO a adressé un communiqué exprimant sa profonde préoccupation face à l’escalade des tensions diplomatiques. Crise entre le Mali et l’Algérie : vers la fin de l’AES ? Depuis le 1ᵉʳ avril 2025, le Mali accuse l’Algérie d’avoir abattu un drone malien, ce que l’Algérie dément. Cette situation a entraîné des rappels d’ambassadeurs et la fermeture réciproque des espaces aériens entre les deux pays. La CEDEAO a alors appelé à un désamorçage des tensions, à la favorisation du dialogue et à l’utilisation des mécanismes régionaux et continentaux pour résoudre ces différends en vue d’un retour à la paix. Par conséquent, l’affirmation selon laquelle cette situation pourrait conduire à un conflit de guerre, menaçant de déstabiliser les États de l’Afrique de l’Ouest, ne repose pas sur des fondements solides.

 

 

Communiqué de la CEDEAO
Communiqué de la CEDEAO

 

Réaction des États de l’AES face à la montée des tensions

 

 

Communiqué de l'AES
Communiqué de l’AES

 

Alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger redoublent d’efforts pour contenir la menace terroriste, une tension diplomatique inattendue jette le trouble : crise entre le Mali et l’Algérie : vers la fin de l’AES ? Cette situation, jugée déplorable par les pays membres de l’Alliance des États du Sahel, suscite de profonds regrets, notamment parce qu’elle survient à un moment stratégique dans la mise en œuvre de leur feuille de route sécuritaire. Bien que cette crise risque de fragiliser le système sécuritaire de l’AES, les trois pays restent fermes dans leur engagement contre le terrorisme et annoncent de nouvelles mesures : JT 20H de ORTM1 du 06 avril 2025 pour adapter leur stratégie, y compris une réévaluation de leurs relations avec l’Algérie d’où l’information selon laquelle des prises de décision pouvant créer une tension hostile menant à la destruction de l’AES reste infondée. Lire : Affaire étrangère Mali.

Communiqué de l'AES
Communiqué de l’AES

 

Origine de l’information et crédibilité de la source

 

Analyse par Google Lens
Analyse par Google Lens

La crise entre le Mali et l’Algérie pourrait-elle marquer la fin de l’AES ? D’après une recherche inversée effectuée via Google Lens, il ressort que la publication en question proviendrait d’un compte nommé « Rhissa AG » sur Facebook. Ce dernier aurait réalisé une capture d’écran lors d’un live qu’il a ensuite republiée sur son compte X  ( @AgAnchawadje). Cette analyse suggère que la publication n’est pas issue d’une source vérifiable ou fiable.

En effet, après avoir examiné son compte X à l’aide de l’outil GROK, il a été révélé que Rhissa Ag Boula est un homme politique et ancien chef rebelle touareg nigérien, né en 1957 à Tchirozérine. Il a joué un rôle majeur dans les rébellions touarègues des années 1990 et 2000, notamment en dirigeant le Front de libération de l’Aïr et de l’Azawak (FLAA). Après sa reconversion en politique, il a occupé des postes de ministre du Tourisme et de ministre d’État sous Mohamed Bazoum. Cependant, suite au coup d’État de 2023, il a créé le Conseil de la Résistance pour la République (CRR) afin de restaurer l’ordre constitutionnel, avant de se réfugier en France après avoir obtenu l’asile en 2024. En octobre de la même année, la junte l’a déchu de sa nationalité nigérienne.

À la lumière de cette analyse, il apparaît clairement que les publications sur son compte X ne reposent sur aucune preuve factuelle ni source tangible. Par conséquent, la publication en question est considérée comme infondée, car elle ne présente aucune information vérifiable ou substantielle pour étayer ses allégations.

Conclusion

En définitif, bien que des tensions réelles existent entre le Mali et l’Algérie, notamment autour de l’incident impliquant un drone malien et des accusations réciproques, il est peu probable que cela entraîne la fin de l’Alliance des États du Sahel (AES). Les relations entre ces pays sont complexes et marquées par des enjeux de sécurité régionale communs, notamment la lutte contre le terrorisme. Les mesures prises par la CEDEAO pour apaiser la situation, ainsi que l’engagement continu des pays membres de l’AES contre les groupes armés, suggèrent que les tensions actuelles ne mettront pas en péril l’unité de cette alliance. De plus, l’origine de l’information circulant sur les réseaux sociaux concernant la fin de l’AES est dénuée de fondement et repose sur des sources non vérifiables. Par conséquent, il est important de rester prudent face aux spéculations et de privilégier une approche fondée sur des faits vérifiables pour analyser les évolutions diplomatiques et sécuritaires dans la région.

 

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