Les pyramides africaines : au-delà de l’Égypte, un héritage méconnu
Fact-checking – Le mythe selon lequel "les pyramides n’existent qu’en Égypte"

Si les pyramides égyptiennes de Gizeh fascinent depuis des millénaires par leur grandeur et leur mystère, il est essentiel de rappeler qu’elles ne représentent qu’un pan de l’héritage architectural du continent africain. En effet, l’Afrique recèle une multitude de pyramides, dont certaines se trouvent au Soudan, où leur nombre dépasse même celui d’Égypte. Cet article se propose de déconstruire le mythe selon lequel les pyramides seraient une exclusivité égyptienne, en mettant en lumière des sites méconnus et en rappelant l’importance d’un récit historique inclusif.
Introduction
L’image emblématique des pyramides égyptiennes, mises en lumière dans les médias et les manuels scolaires, a longtemps occulté d’autres trésors architecturaux disséminés à travers l’Afrique. Le récit traditionnel, souvent teinté d’une vision eurocentrée et colonialiste, réduit l’histoire africaine à celle de l’Égypte antique, oubliant ainsi des civilisations tout aussi remarquables. Or, le Soudan, le Nigeria, le Mali ou encore l’Éthiopie recèlent des constructions pyramidales dont l’ingéniosité et la richesse témoignent d’un patrimoine panafricain insoupçonné.
Le mythe à déconstruire : « Les pyramides sont une exclusivité égyptienne »
Origines du mythe
La croyance selon laquelle les pyramides n’existeraient qu’en Égypte repose sur plusieurs facteurs interconnectés :
- Une médiatisation asymétrique
Les pyramides de Gizeh, véritables icônes touristiques et cinématographiques, bénéficient d’une visibilité mondiale. Tandis que ces monuments sont mis en avant dans les documentaires, les films et les guides de voyage, d’autres sites pyramidaux en Afrique restent dans l’ombre. - Un enseignement scolaire biaisé
Dans de nombreux programmes éducatifs occidentaux, l’histoire africaine se réduit souvent à l’Égypte antique. Ce choix pédagogique, influencé par des critères historiques et culturels obsolètes, contribue à la méconnaissance d’autres civilisations africaines. - Des clichés colonialistes persistants
L’idée d’une Afrique « sans civilisation » a longtemps été véhiculée pour légitimer des rapports de domination. L’archéologie moderne, en révélant la complexité et la richesse des sociétés africaines, contredit fermement cette vision réductrice.
Les faits vérifiés
Le Soudan, pays aux 255 pyramides : l’héritage oublié de Kouch
Le Soudan est sans doute le territoire africain qui illustre le mieux la diversité pyramidale du continent. À Méroé et Nuri, dans le nord du pays, se dressent des centaines de pyramides, vestiges d’un royaume puissant et indépendant.
- Localisation et période
Ces pyramides, érigées entre 700 av. J.-C. et 300 ap. J.-C., témoignent du rayonnement du royaume de Kouch, qui, à une époque, rivalisait même avec l’Égypte antique. - Caractéristiques architecturales
Différentes des grandes pyramides égyptiennes, ces constructions sont plus modestes en taille (10 à 30 mètres de hauteur) et se distinguent par leur inclinaison plus marquée ainsi que par la présence de chapelles funéraires orientées vers l’est. - Reconnaissance internationale
Le site de Méroé est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2011. Pourtant, contrairement à Gizeh qui accueille près de 14 millions de visiteurs par an, le site soudanais reste peu fréquenté, avec moins de 15 000 touristes annuels.
Source : National Geographic, « The Forgotten Pyramids of Sudan » (2015) et les travaux du Dr Salah Mohamed Ahmed.
Au-delà du Soudan : d’autres pyramides africaines
L’héritage pyramidale en Afrique ne se limite pas au Soudan. Plusieurs autres pays possèdent des structures rappelant cette forme architecturale emblématique.
- Nigeria : Les pyramides de Nsude
Dans la région des Igbo, des structures en terre datant du Xe siècle, utilisées pour des rites religieux, témoignent d’un savoir-faire ancestral et d’une spiritualité intimement liée à l’architecture. - Mali : Les tombeaux des Askia à Gao
Conçus sous forme de pyramides à étages en terre crue et datant du XVe siècle, ces monuments, également reconnus par l’UNESCO, illustrent la diversité des techniques de construction adaptées aux ressources locales. - Éthiopie : Les stèles d’Aksoum
Bien que ne présentant pas exactement la forme pyramidale, ces obélisques monumentaux reflètent une symbolique architecturale et funéraire qui se rapproche de l’esprit des pyramides.
Sources : UNESCO, « Tombes des Askia » (2004) et Journal of African Archaeology (2018).
Pourquoi ce mythe persiste-t-il ?
Plusieurs raisons expliquent la persistance du mythe de l’exclusivité égyptienne :
- Une focalisation historique biaisée
L’Égypte antique est souvent associée à la « civilisation méditerranéenne », ce qui conduit à la dissocier de l’Afrique subsaharienne dans l’imaginaire occidental. - L’accessibilité limitée des sites
De nombreux sites pyramidaux, notamment au Soudan, sont situés dans des zones difficiles d’accès ou en régions affectées par l’instabilité politique, limitant ainsi leur promotion touristique. - La méconnaissance des sources africaines
Les travaux d’archéologues et d’historiens africains sont rarement relayés par les médias internationaux, contribuant à une vision partielle et incomplète de l’histoire du continent.
Illustrations et outils visuels
Pour mieux comprendre l’étendue de ce patrimoine méconnu, plusieurs supports visuels peuvent être mobilisés :
- Comparaison photographique : Une juxtaposition des pyramides de Gizeh et de celles de Méroé permet de souligner les différences architecturales et la diversité des styles.


- Carte interactive : La localisation géographique des pyramides en Afrique (Soudan, Égypte) offre une vision globale de l’empreinte pyramidale du continent.

Conclusion
Les pyramides ne sont pas l’apanage de l’Égypte, elles constituent un patrimoine panafricain riche et diversifié. En réhabilitant et en valorisant ces sites, nous offrons une vision plus complète de l’histoire de l’Afrique, trop souvent réduite à un seul épisode. Ces constructions témoignent de la créativité, de l’ingéniosité et de la spiritualité de civilisations qui ont su s’adapter aux matériaux et aux croyances locales. Comme le soulignait Cheikh Anta Diop, « l’Afrique est le berceau de l’humanité, mais aussi celui des civilisations oubliées ». Il est donc essentiel de dépasser les clichés et de reconnaître la pluralité des héritages architecturaux qui font la richesse de ce continent.
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