Éducation

Non, l’Afrique n’était pas sans civilisations avant la colonisation : retour sur une histoire oubliée

L’Afrique n’avait pas de grandes civilisations avant la colonisation ». Cette idée, martelée depuis des siècles, continue d’alimenter une vision erronée et eurocentrée de l’histoire du continent africain. Pourtant, elle est non seulement fausse, mais également dangereuse. Elle sert à justifier des siècles de domination coloniale en construisant l’image d’un continent vide de structures étatiques, culturelles ou scientifiques avant l’arrivée des puissances européennes. Loin des stéréotypes, l’Afrique a été le berceau de plusieurs empires puissants, de systèmes politiques élaborés, d’architectures majestueuses et de sociétés savantes bien avant le XVe siècle. Retour sur ces civilisations que l’Histoire officielle a longtemps tenté d’effacer.

Des empires puissants et organisés

 

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L’un des exemples les plus éclatants est celui de l’empire du Mali, qui atteint son apogée au XIVe siècle sous le règne de Mansa Moussa, souvent considéré comme l’un des hommes les plus riches de tous les temps. Son pèlerinage à La Mecque en 1324, accompagné de milliers de personnes et de tonnes d’or, a marqué les esprits dans tout le monde islamique. Cet empire ne se résumait pas à sa richesse. Il possédait un système de gouvernement structuré, des lois, une armée, et surtout, un centre intellectuel de renommée mondiale : Tombouctou. La célèbre université de Sankoré y accueillait des milliers d’étudiants venus de toute l’Afrique et du monde arabe pour étudier la théologie, les mathématiques, l’astronomie et la médecine.

Avant le Mali, le royaume du Ghana (à ne pas confondre avec le pays moderne), entre le VIIe et le XIe siècle, contrôlait les routes commerciales transsahariennes. Son administration était avancée, avec des impôts, des structures militaires et des alliances commerciales.

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Plus à l’est, l’Égypte ancienne, l’une des plus grandes civilisations de l’humanité, est souvent détachée du reste de l’Afrique dans les récits historiques, comme si elle ne faisait pas partie du même continent. Pourtant, les dynasties pharaoniques étaient bien africaines, avec des influences culturelles remontant au royaume de Nubie, situé dans l’actuel Soudan. Ce royaume a même régné sur l’Égypte pendant la XXVe dynastie, dite « des pharaons noirs ».

Le Bénin, un royaume d’art et d’ingénierie

 

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Dans la région du sud du Nigeria actuel, le royaume du Bénin s’est illustré par une urbanisation avancée et une production artistique impressionnante. Dès le XIIIe siècle, la ville de Benin City disposait de rues pavées, de murailles défensives et d’un système de gestion urbaine étonnamment moderne. L’art béninois, notamment ses célèbres bronzes, témoignent d’une maîtrise technique comparable à celle des artistes de la Renaissance européenne. Ces œuvres, aujourd’hui exposées dans les musées occidentaux, ont souvent été pillées lors des expéditions coloniales, notamment en 1897 lors de l’invasion britannique.

Des sociétés savantes et des systèmes juridiques

 

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Au-delà des empires, de nombreuses sociétés africaines disposaient de systèmes juridiques et politiques élaborés. Les Yorubas par exemple, avaient des institutions consultatives, avec des conseils de sages, des rois (Obas), et des mécanismes d’équilibre des pouvoirs. Les Ashantis (actuel Ghana) avaient une constitution orale, un parlement et des lois codifiées.

Dans l’Afrique de l’Est, la cité de Kilwa, au large de la Tanzanie actuelle, était un centre commercial et culturel majeur de l’océan Indien entre le XIe et le XVIe siècle. Influencée par les échanges avec l’Inde, la Perse et la Chine, Kilwa témoignait d’une ouverture culturelle et d’un cosmopolitisme ancien.

Un effacement historique volontaire

L’effacement ou la minimisation de ces civilisations n’est pas le fruit du hasard. Pendant la colonisation, les puissances européennes ont délibérément entretenu le mythe d’une Afrique « sans histoire », pour mieux légitimer leur entreprise impériale. L’historien Joseph Ki-Zerbo rappelait : « L’Afrique est entrée dans l’histoire au moment où elle en est sortie », dénonçant cette falsification. Des manuels scolaires aux musées, une large partie du savoir a été filtrée par une perspective occidentale, niant aux peuples africains toute forme de grandeur précoloniale.

Une réhabilitation en marche

Depuis les années 1960, les historiens africains ont entrepris un vaste travail de réhabilitation de l’histoire du continent. Les recherches archéologiques, les traditions orales, les archives arabes et les récits des voyageurs ont permis de reconstruire une histoire plus fidèle. Des institutions comme l’UNESCO ont aussi contribué à reconnaître l’héritage africain, notamment à travers le programme de l’Histoire Générale de l’Afrique.

Aujourd’hui, des universités en Afrique et dans la diaspora militent pour une décolonisation des savoirs, afin que les jeunes Africains puissent étudier leur histoire avec fierté, et non à travers le prisme d’un regard étranger.

Conclusion

L’idée selon laquelle l’Afrique n’aurait connu ni grandes civilisations ni systèmes avancés avant la colonisation est non seulement fausse, mais elle participe d’un récit colonialiste encore trop présent dans les esprits. Loin d’être un continent en marge de l’histoire, l’Afrique a été un acteur majeur de l’humanité, avec des empires, des savants, des artistes et des institutions à faire rougir bien des puissances contemporaines. Il est temps de remettre cette vérité au cœur de l’éducation, pour construire une mémoire collective plus juste et plus universelle.

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